Que reste-t’il de notre passé minier?

Des mouchoirs de poussières noires
Emportés par la lourde brise,
Des histoires à conter le soir,
Les mémoires des temps de crise.

Que reste-t-il de notre passé minier?

Des témoignages émouvants,
Des musées épars,
Quelques cabanes solitaires
Et des chariots rouillés.

Que reste-t-il de nos anciens charbonnages?

Des immigrés Premier ministre,
Des bouts de ferraille sinistres,
Et des morceaux de pain
À jamais dans nos mains.
Quand j’étais enfant, lors du retour de nos balades en voiture avec mes parents sur la route de la Basse Sambre, un bâtiment imposant et particulier attirait toute  mon attention: le charbonnage de Sainte Eugénie.

Entre 1998 et 2001, le site de Sainte Eugénie est rasé du paysage.

Je constatais donc que la démolition était un triste échec de conservation des vestiges miniers de notre pays. À la fois curieux et animé d’espoir que les autres mines de Belgique n’aient pas sombré dans l’oubli fracassant d’une démolition, je partis à la rencontre d’autres vestiges.

Je choisis d’immortaliser les charbonnages muni de mon vieux boitier 6x6 argentique.
Ma démarche artistique consistait à superposer les images de chaque site visité avec la végétation avoisinante lors de la prise de vue.

La finalité est une série de superpositions gommant les différences entre les sites parfaitement conservés et les sites en ruine.

De plus, certaines images sont complétées par une série de poèmes écrits par Ornella Mazza, petite fille d’immigré italien dont le grand-père maternel a, durant vingt ans, travaillé à divers charbonnages wallons.

Ce travail collaboratif est donc un témoignage et un questionnement sur les traces de notre passé minier.

Pour terminer, le projet Terre Anthracite est un travail présent sur le passé qui se veut tourner vers l’avenir.

Julien Wallemacq
Quand j’étais enfant, j’ai commencé à écrire des histoires et des poèmes dès que j’ai pu former des phrases sur papier, c’est-à-dire, à l’âge de six ans environ. La lecture, l’écriture et le dessin étaient les passions de mon enfance. Je les exerçais de manière discrète et solitaire.

Au fil du temps, la danse et la photo, en tant que modèle, sont venues s’ajouter à mes curiosités artistiques. C’est via le milieu de la photographie que je fis la connaissance de Julien Wallemacq.

Subjuguée par sa série sur les charbonnages, il m’avoua rechercher une jolie plume pour compléter son travail. Je me suis immédiatement proposée ! Je me sentais instinctivement reliée et légitime sur le sujet car je suis issue d’une famille d’immigrés italiens, mon feu grand-père maternel a travaillé pendant vingt ans en tant que mineur.

Ma démarche artistique consistait à écrire des poèmes sur base des images de Julien et du contenu qui gravitait autour : le folklore wallon, la vie au sein de la mine, les événements historiques, les personnages pittoresques etc. A ceux-ci, j’y incorporais des faits réels, un brin de fantaisie ou un contexte totalement fictif selon mon inspiration.

Cette série d’écrits est donc un témoignage poétique sur les traces de notre passé minier.

Ornella Mazza
Des-pe-ra-do

C’était l’Eldorado
Depuis nos sacs à dos
Jusqu’aux bouts de mouchoirs
Martyrisés d’espoir.

D’abord à Bois-du-Luc,
Avec le gros Jean-Luc
Sur qui l’on cassait du suc’
Car il nous brisait la nuque.

Ensuite au Grand Hornu,
On finissait tout nu
Dans les bras d’une ingénue
Au langage inconnu.

Bien plus tard à Blégny,
En bonne compagnie
L’on trinquait à l’abbaye
Chanceux d’avoir vieilli.

Et au Bois du Cazier,
L’on vidait nos casiers
Pour enfin s’extasier
À l’ombre d’un margousier.

Tous les Desperado,
Des mineurs en cadeau,
On a troqué les foulards
En doux rubans d’Espoir.
Prières dérobées à Gaïa

Un jour, j’ai emporté mon espérance,
À plusieurs kilomètres de ma terre,
J’ai mis fin à des soirées d’errance
En abandonnant le pied-à-terre.

Des nains m’ont promis des rêves cossus,
Avec des tablées gargantuesques,
Mais mon logeur, un horrible bossu,
Me concoctait des mets cauchemardesques.

Et me voici gnome de galeries,
Je songeais à des couloirs de géodes
Mais les pierres enfouies sous Le Terril
Ont la couleur de mon obscur Exode.

Mes prières dérobées à Gaïa
Nourrissent mes tendres espoirs d’ascension,
Je ne désire pas l’Himalaya
Mais donner du sens à ma Création.

Un soir, j’ai quitté ma désespérance,
À plusieurs kilomètres de ma terre,
J’ai mis fin à des jours de souffrance
En me couchant sous les feux de la Terre.
Photos: Julien Wallemacq - Textes Ornella Mazza 
https://www.publier-un-livre.com/fr/le-livre-en-papier/2533-terre-anthracite
Terre Anthracite
Published:

Terre Anthracite

Published: